« Partir, c’est mourir un peu,
C’est mourir à ce qu’on aime :
On laisse un peu de soi-même
En toute heure et dans tout lieu.
C’est toujours le deuil d’un vœu,
Le dernier vers d’un poème ;
Partir, c’est mourir un peu.
Et l’on part, et c’est un jeu,
Et jusqu’à l’adieu suprême
C’est son âme que l’on sème,
Que l’on sème à chaque adieu…
Partir, c’est mourir un peu. »
Edmond Haraucourt
« Je suis – mais qui je suis, nul ne sait ou s’en soucie ;
Mes amis me délaissent tel un souvenir vieux :
De mes propres souffrances je me rassasie-
Elles enflent et meurent dans un essaim oublieux
Comme les ombres de nos affres amoureuses-
Et pourtant je suis et je vis –ballotté, vaporeux,
Dans le vaste néant du mépris et du bruit,
Dans l’océan vivant des rêves éveillés
Sans le moindre bonheur et sans la moindre vie,
Seul le grand naufrage de mes vies estimées ;
Et même les êtres que j’aime, les êtres chers,
Me sont devenus étrangers –et je les perds.
Je rêve de lieux ou nul homme n’a marché,
Où nulle femme encore n’a souri ni pleuré,
Ainsi là avec Dieu, toujours, y demeurer,
Et rêver tel qu’enfant doucement j’ai rêvé,
Serein et calme, couché dans un songe éternel,
L’herbe en dessous –par-dessus, l’arche du ciel. »